par Catherine STENOU - Responsable de la Division «Nature en ville», du «Service des Espaces verts et de la Nature»
En Europe et en France, près de 10 % des espèces d’abeilles sont menacées ou en voie d’extinction. Entreprendre des actions en faveur de leur conservation constitue un enjeu majeur, particulièrement en Méditerranée. C’est pourquoi la Ville de Marseille lance une étude grandeur nature, fondée sur leur observation. En partenariat avec deux Laboratoires d’Aix-Marseille Université, le Laboratoire Population Environnement et Développement (LPED) et l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie (IMBE), la Ville de Marseille a implanté un grand hôtel à insectes et 120 petits hôtels dans ses parcs. Ces structures seront vecteurs de messages sur l’importance de la biodiversité et sur la nécessité de gérer les parcs publics avec des méthodes respectueuses de l’environnement. Ce dispositif s’inscrit aussi dans une étude scientifique plus générale sur le comportement des abeilles en milieu urbain et sur la biodiversité de la faune des pollinisateurs.
Vers un retour à une gestion raisonnée
Ces hôtels sont des refuges pour des insectes pollinisateurs et pour des auxiliaires. Ils peuvent servir à limiter voire supprimer l’utilisation de produits chimiques dans la gestion des parcs et jardins.
En effet, depuis des décennies, les champs, les parcs et les jardins ont été traités par des pesticides pour éradiquer les insectes nuisibles. Or, c’était sans compter avec l’extraordinaire capacité de ceux-ci à s’adapter aux traitements phytosanitaires et à développer des résistances.
Ainsi, il a fallu augmenter les quantités de produits pour tenter de s’en débarrasser. La terre absorbe depuis des années ces produits, toxiques pour les insectes mais aussi pour l’homme.
Depuis dix ans, la Ville de Marseille consciente de ces problèmes, a choisi de ne plus utiliser de produits phytosanitaires pour traiter ses espaces verts. Il n’en demeure pas moins que de nombreuses espèces d’insectes ont disparu. L’installation des hôtels à insectes a pour but de leur fournir des habitats, pour que la nature revienne au cœur de la ville.
Les hôtels à insectes sont-ils efficaces ?
Avec ces installations, la ville de Marseille souhaite répondre à ces questions : les hôtels à insectes sont-ils des outils de conservation de la biodiversité ? Vont-ils augmenter la biodiversité en attirant de nouvelles espèces ou au contraire, la réduire en ne favorisant que certaines d’entre-elles ? Leur implantation dans les parcs de la ville peut en effet fournir des habitats aux insectes et enrayer des pertes de populations en permettant à certaines populations de se maintenir dans le temps. Seuls les résultats permettront d’y répondre, d’ici trois ans au minimum.
La Méditerranée, “hotspot” de biodiversité mondiale pour les pollinisateurs
Il existe 962 espèces d’hyménoptères apoidés, ou abeilles au sens large, en France et parmi celles-ci, plus de 700 se retrouvent dans le midi.Le bassin méditerranéen est un « hotspot » pour la biodiversité d’abeilles sauvages à l’échelle française, européenne et mondiale. Les conditions leur sont particulièrement favorables (températures chaudes au printemps et en été, et variété de plantes nectarifères importante).
Les abeilles sauvages présentent des comportements de reproduction particuliers : environ 70 % des espèces se reproduisent dans le sol, et 30 % au-dessus du sol. Ainsi, on trouve des abeilles qui pondent dans les anfractuosités de murs, dans les tiges creuses, dans le bois mort et même pour certaines Osmies, dans des coquilles d’escargots vides.
Objet de toutes les attentions : Megachile et Xylocope
Certaines espèces d’abeilles sauvages introduites involontairement dans la région, réussissent à s’installer, à se reproduire et, parfois, à proliférer en raison, notamment, de l’absence de prédateurs spécifiques. Elles le font souvent au détriment d’espèces locales.Ce sont des espèces dites envahissantes, dont l’impact sur les écosystèmes locaux n’est pas connu. Megachile sculpturalis (l’abeille géante à résine) est une espèce potentiellement invasive qui peut entrer en compétition avec les Xylocopes (abeilles charpentières) en ce qui concerne les sites de reproduction.
Ceux-ci peuvent se trouver dans les parcs marseillais. C’est pourquoi la Ville de Marseille souhaite participer à l’étude de l’évolution de ces espèces et tenter de comprendre leur répartition à travers l’installation des petits hôtels à insectes. Ces hôtels sont aussi un outil de conservation dans le but de comprendre quelles sont les espèces locales qui peuvent les habiter et s’y reproduire.
Megachile sculpturalis : Espèce asiatique introduite accidentellement dans la région
Xylocope violacea : Une abeille sauvage commune de la région méditerranéenne