Le dérèglement climatique : un constat par les végétaux, des conséquences pour l’homme

par Roland-Marie MARCERON - ancien directeur des Espaces Verts de Bourges, ex-secrétaire général d’Hortis

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Roland-Marie Marceron nous démontre que l’évolution du climat est une réalité, même si certains en doutent encore. A partir de constats réalisés par l’INRA, il devient indéniable qu’il se passe quelque chose. Les conséquences pour les humains risquent d’être très importantes, en particulier en Asie et en Afrique. Et comme les interactions nous lient les uns aux autres, nous sommes tous concernés par le dérèglement climatique. La réunion internationale COP 21 est l’occasion de parler du dérèglement climatique, terme qu’il préfère à celui de réchauffement, car les experts prédisent plutôt une irrégularité du climat plutôt qu’une hausse soudaine de la température.

Les végétaux montrent le changement climatique

Voici deux exemples assez parlants de dérèglement. Les collègues de l’INRA de la station de Balandran (près de Nîmes) ont relevé le calendrier phénologique des pommiers pour une même variété depuis plusieurs décennies. On observe que la date de floraison s’est avancée de plusieurs semaines depuis les années 1970. De même, la date des vendanges dans la vallée du Rhône (Châteauneuf du Pape) ou dans le Val de Loire (Sancerre), est avancée d’environ 20 jours en 40 ans. On pourrait ainsi démontrer que les végétaux perçoivent un changement auquel les humains n’ont pas été sensibles jusqu’à présent.  
De même, la saison de floraison s’allonge, ce qui a pour conséquence une augmentation de la quantité de pollens allergisants. Heureusement qu’il y a ces GES, sinon la température de notre planète serait de –18° ! L’effet de serre est donc tout à fait bénéfique. Ce qui est dangereux n’est pas le phénomène lui-même, parfaitement naturel à notre existence, mais sa modification rapide du fait de l’homme dont les activités rejettent dans l’atmosphère du gaz carbonique : nous emprisonnons donc la chaleur émise par le soleil et nous nous retrouvons comme à l’intérieur d’une serre.

Quelles conséquences pour les hommes en termes de santé ?

Les prévisions sont connues : la température moyenne du globe pourrait augmenter, selon les scénarios, de 1,1 à 6,4 degrés d’ici 2100.  Il a été observé qu’un réchauffement moyen de 2°C suffirait pour produire un impact direct sur le fonctionnement de l’organisme humain (coups de chaleur, déshydratation aiguë, accidents cardio-vasculaires). Les personnes seraient inégalement touchées, les plus menacées étant les personnes âgées, les jeunes enfants et les nourrissons. De plus, le vieillissement de la population ne fait qu’augmenter sa vulnérabilité aux aléas climatiques. L’augmentation des températures provoquerait un développement de maladies infectieuses et parasitaires comme le paludisme inoculé par un moustique qui se reproduit à proximité de l’eau. D’où une possibilité d’extension de la zone d’endémie vers le nord et vers le sud.
Les spécialistes soulignent également les dangers de l’introduction en France du moustique Aedes albopictus, vecteur de la dengue. D’origine asiatique, il se répand dans le monde depuis une dizaine d’années. Pour ce qui concerne l’air, il risque de contenir davantage de particules comme les pollens auxquelles certaines personnes sont allergiques. Comme l’on prévoit des hivers plus doux et riches en précipitations, la saison pollinique, qui se rattache à la floraison des végétaux, commencera plus vite et sera plus longue. Un hiver très doux ou un été très sec, une variation brusque de l’hygrométrie, pourront provoquer de véritables « épidémies » d’asthme et rhinites allergiques. Les variations climatiques joueront sur la floraison et, par là, sur la concentration de pollen dans l’air.

Quelles conséquences pour les hommes en termes de ressources ?

Aujourd’hui, 1,4 milliard de personnes vivent dans des régions où la population dispose de moins de 1m3 d’eau par personne et par an, soit 3 litres par jour. L’eau douce ne représente que 2,5 % de l’eau de la planète. Les deux tiers de cette eau douce ne sont pas facilement accessibles, puisque cette eau est stockée dans les glaciers et dans les profondeurs. L’eau douce aisément utilisable ne représente, au total, que 7 pour 1000 de l’eau de la planète. C’est dire si cette ressource est plus rare qu’on ne le pense. A l’échelle planétaire, le risque de pénurie des ressources en eau douce est donc possible. On peut même craindre des conflits entre régions et Etats pour le contrôle et la « conquête » de cette eau devenue rare, ainsi qu’une augmentation significative des déplacements de population vers les régions plus privilégiées, avec toutes les tensions que ces mouvements impliquent.

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Quelles conséquences pour les hommes en termes d’urbanisme ?

Les experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) avancent que si les eaux montaient de 50 cm, environ 10 % du Bengladesh disparaîtrait sous les eaux. Actuellement, dans cette immense zone inondable, vivent 8 à 10 millions de personnes… Où iraient-elles si les experts avaient raison ?…

Autre exemple : le lac Tchad a perdu en 40 ans, 90 % de sa surface. Il est passé de 25 000 km2 (l’équivalent de la Bretagne) à 3  000  km2. Le fleuve Chari, qui alimente le lac, déverse un volume deux fois moindre que dans les années 60. Sur les rives marécageuses, des carcasses de bateaux témoignent d’un passé pluvieux. Dans cette région, non seulement les pêcheurs, mais aussi les éleveurs sont des réfugiés climatiques. Où peuvent-ils aller ?

Nous voici au cœur, sans aucun doute, de la plus grande conséquence humaine du réchauffement climatique. Pour l’avenir, il existe des craintes fondées que le nombre de personnes fuyant des conditions environnementales insoutenables augmente de manière exponentielle. Il est à craindre que nous verrons alors apparaître des réfugiés climatiques ou éco-réfugiés, c’est à dire des gens qui ne pourront plus vivre dans leur région ou pays d’origine. L’augmentation du niveau des océans ne fait pas que rogner les territoires : elle a aussi des effets pervers comme la salinisation des terres arables et la pollution des nappes phréatiques qui rendent l’agriculture et la vie difficiles sur les côtes. M. Bogardi, Directeur de l’Institut pour l’Environnement et la Sécurité Humaine de l’université des Nations Unies à Bonn, avance pour 2050 le chiffre de 150 millions de migrants imputables au réchauffement climatique. Bien que la peur d’un afflux massif de réfugiés ou demandeurs d’asile pèse lourd sur les politiques de nombreux pays riches, seul un infime pourcentage de personnes déplacées vient réellement frapper à nos portes. Ces migrations se font en général à l’intérieur du pays d’origine et les populations, dans un premier temps du moins, mettront en place des stratégies d’adaptation au changement climatique.

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Construire de nouvelles solidarités internationales

Si nos sociétés industrialisées sont historiquement responsables des dérèglements climatiques, on constate que les victimes présentes et futures sont principalement les populations des pays du sud. Ces dérèglements aggravent des situations  déjà précaires. Sécurité alimentaire, santé, habitat, accès à l’eau potable et à l’énergie sont des difficultés que l’on rencontre déjà en Asie, sur l’ensemble du Sahel ou de la Corne de l’Afrique. Les capacités techniques et les moyens financiers des pays les plus vulnérables, à s’adapter aux impacts des changements climatiques sont relativement faibles. Par conséquent, il s’agit d’anticiper et de prendre en compte les enjeux liés aux dérèglements climatiques dans les politiques de coopération.

Ainsi, les changements climatiques vont devenir l’un des enjeux fondamentaux des relations Nord-Sud. Même si les migrants de Lampeduza ne sont pas des réfugiés climatiques, il est à craindre que les difficultés ne font que commencer et qu’il est urgent de mettre en place un véritable « plan Marshal » pour anticiper les migrations humaines. Une évolution climatique importante, aux conséquences encore mal mesurables, semble inévitable au cours du siècle. Pour qu’elle ne soit ni trop brutale ni douloureuse, un processus graduel doit être amorcé dès maintenant. Il faut à la fois « lutter contre » ce changement, c’est-à-dire s’efforcer d’endiguer le phénomène pour qu’il n’engendre pas un bouleversement insupportable de notre mode de vie, mais aussi se préparer à « s’adapter » à des modifications inéluctables de l’environnement.

Nous n’y parviendrons que par une prise de conscience collective des risques encourus, et par une volonté partagée de porter une attention constante et soutenue à cet objectif, tant dans les grandes décisions collectives que dans notre vie quotidienne.
Il y a une dizaine d’années, le succès du film d’Al Gore « Une vérité qui dérange », a montré que cette question n’était plus une question qui dérangeait, mais une réalité à laquelle on ne peut plus échapper.

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