La gestion évolutive durable des espaces verts (sept 2016, N°61)
extrait de la revue N°61, septembre 2016 par Jean-Marie ROGEL - Chef de service Gestion des paysages au Service Espaces Verts de la Ville de Lyon (69)
Un outil d’amélioration continue pour répondre à l’évolution des attentes sociétales en matière de nature en ville.
Historique
Initiée à partir de 1995 dans le cadre de la politique environnementale de la Direction des Espaces Verts et de la certification ISO14001 obtenue en 2005, la Gestion Évolutive Durable (GED) à la ville de Lyon (gestion différenciée) a d’abord été construite autour d’un cahier des charges intégrant quatre classes : (Prestige, horticole +, horticole -, naturelle) et déclinée sur des sites pilotes pour être généralisée ensuite. Paillage, désherbage raisonné, utilisation de bio-lubrifiants, gestion des déchets et des consommations d’eau notamment, ont ensuite été progressivement déclinés sur l’ensemble des sites. La GED a également permis le passage progressif au Zéro phyto, objectif atteint dès 2008.
A partir de 2011, en parallèle d’une analyse détaillée des tâches par classe et typologie de sites, le cahier des charges a été mis à jour en matière de :
- dénomination des classes (prestige, horticole, à vivre, nature),
- critères de classement en fonction de contextes urbains et d’usages
- niveau de tolérance aux adventices afin de tenir compte du zéro phyto généralisé.
- coûts de gestion moyens au m²/an
Une première photographie complète à l’échelle de la ville, de la proportion en surface par classe et par secteur d’entretien a donc pu être élaborée (prestige 1%, horticole 9%, à vivre 65%, nature 25%)
Marges de manœuvre
Initiée à partir de 2014, la démarche de recherche de marges de manœuvres (budgétaires) de la ville de Lyon a été déclinée sur la gestion des espaces verts sous l’égide du service contrôle de gestion. La démarche a été présentée à l’ensemble de l’encadrement (du Directeur jusqu’aux agents de maîtrise) puis elle s’est mise en œuvre sur deux ans à travers un groupe de travail impliquant l’ensemble des jardiniers. Le gisement d’économies potentielles a été évalué (150 000 €) sur plus de 150 sites sur la base de ratios moyens par classes, recoupés et vérifiés avec les coûts de fournitures par site en plantes annuelles.
Un travail conséquent d’optimisation avait déjà été mené dans le cadre de la GED depuis dix ans pour faire évoluer l’offre en fleurissement sur la ville, avec une diminution déjà importante de la proportion d’annuelles au profit des vivaces, (- 40% entre 2005 et 2015) en jouant sur deux leviers :
- L’optimisation des surfaces d’annuelles dans les massifs en jouant sur le dessin (diminution de la surface tout en maintenant l’effet de volume)
- La conversion tout partie des surfaces d’annuelles en surfaces d’arbustes et vivaces.
Il a été donc été choisi de ne présenter dans un premier temps aux élus que des évolutions qui s’inscrivaient en cohérence et en continuité avec cette politique, et ainsi de garder encore une offre significative en fleurissement « traditionnel « sur les massifs stratégiques de la ville. Cette volonté de ne pas pousser immédiatement ou trop vite le curseur de suppression des plantes horticoles « jetables » jusqu’au Zéro s’explique aussi par :
- le maintien d’une lisibilité des sites stratégiques d’embellissement de la ville à travers la déclinaison d’un thème annuel
- l’incertitude quant aux gains économiques réels de conversion en plantes « pérennes » : les massifs (de vivaces ou de rosiers par exemple) peuvent être envahis par des adventices très difficiles à éradiquer en zéro phyto, et nécessitant parfois le remplacement complet des végétaux et de la terre au bout de quelques saisons seulement. Le bénéfice écologique et économique n’est dans ce cas plus si évident que cela.
- l’incertitude quant à l’acceptation à la fois en interne (jardiniers) et en externe (habitants) d’un changement trop brusque de nos méthodes d’embellissement de la ville par le végétal.
Cette démarche a également été l’occasion de re-questionner la pertinence de l’ensemble des dispositifs hors-sol (bacs et jardinières) en particulier ceux ne disposant pas d’arrosages automatiques et dispersés sans cohérence au cours de ces dernières décennies au gré des commandes d’élus suite au lobbying des commerçants ou riverains.
Enquête sociologique
L’enquête « la Nature en Ville : entre regards, attentes et appropriation par l’habitant » a été conçue parallèlement à la démarche “Marges de manœuvres” afin de vérifier les tendances permettant de confirmer ou non les futures orientations de gestion de la Direction des Espaces Verts. L’enquête (de 30 questions) s’est traduite sous deux formes : un sondage terrain (65 lyonnais sondés) et un sondage internet (365 lyonnais sondés). Le sondage internet est venu en appui du sondage terrain afin de toucher toutes catégories socio-professionnelles confondues et tous types d’âges. Neuf quartiers de Lyon, répartis dans les neuf arrondissements et ayant des espaces végétalisés à valoriser sur voirie (selon les prescriptions du PLU), ont été choisis afin de prendre en compte également les différences de perceptions et de désirs entre les arrondissements. Au total, 430 lyonnais (intra-muros) ont été interrogés. Ce chiffre, qui semble faible, constitue tous de même un indice qui permet d’appréhender les premières pistes de réflexions autour de la gestion des espaces verts de la ville et de l’offre « nature en ville ».
Groupe de travail interne
Cette enquête a également été déclinée en interne sous la forme d’un questionnaire aux jardiniers sur leur perception de la GED. Les résultats ont servi d’introduction au travail de refonte et de simplification des classes de gestion, pour plus de lisibilité et d’appropriation de nos actions en interne et auprès du public et des élus.
En concertation avec l’encadrement et les jardiniers de chaque arrondissement, l’ordre et la dénomination des classes ont été revus pour « casser » la perception péjorative de la classe « nature » et le caractère connoté de l’ancienne classe « prestige ».
Le travail de relecture de l’ensemble des classements de sites pour permettre la mise à jour de la base patrimoine est en cours, ainsi que la remise à plat de l’ensemble de la stratégie de communication autour de la GED en lien avec la démarche des marges de manœuvres et les autres stratégies d’animation et d’éducation du public à la « nature en ville ». Ces deux dernières stratégies sont mises en œuvre par les autres pôles de la Direction au sein d’une structure interne transversale « Lyon Nature ».
Le travail de ce groupe de réflexion en interne associant les 220 jardiniers et l’encadrement du service gestion, se décline désormais en lien avec le centre de production horticole à travers la définition de palettes végétales « types » par classe afin de mieux guider les choix de plantation sur le terrain d’une part, et d’optimiser les stocks du centre horticole d’autre part. Il intègre bien évidement les objectifs de diversité écologique, mais également des critères plus spécifiques liés à l’adaptation changement climatique et à une plus grande utilisation des plantes locales. Un travail important de mise en culture de terres végétales mené depuis trois ans maintenant permet également à la DEV désormais de recycler les terres et de disposer d’un stock « sain » pour le renouvellement des aménagements.
Reconnaissance et labels
La Gestion Évolutive Durable, intégrée à la politique environnementale de la DEV depuis plus de quinze ans, dans une logique d’amélioration continue, a permis au-delà de la certification ISO140001, de décliner le Label « écojardins » sur chaque arrondissement de la ville. Combinée aux actions d’inventaires, de conservation et de pédagogie autour de la biodiversité et de la nature en ville, menées au sein de Lyon Nature, à la veille permanente pour une conception durable des aménagements en interne et en externe et à une stratégie globale à long terme de développement de la « trame verte » en cours d’élaboration (Plan de Développement des Espaces Naturels), la GED permet aujourd’hui à la Direction des espaces verts de postuler au Label 4 fleurs.
En effet, une très grande partie des nouveaux critères d’évaluation correspondent aux actions engagées ou réalisées par la ville de Lyon pour la qualité du cadre de vie et la présence du végétal et le développement de la biodiversité en ville. Ce challenge est l’occasion pour la ville de vérifier le bon positionnement de ses curseurs de gestion (économiques, écologiques, sociaux) et de leur impact sur l’équilibre entre fleurissement traditionnel, nature en ville et qualité du cadre de vie Lyonnais.
La DEV de Lyon emploie près de 400 agents dont 220 jardiniers pour près de 430 ha d’espaces verts répartis sur plus de 1400 points d’intervention.